C’est la semaine dernière qu’ont témoigné pour le Mouvement laïque québécois des parents de culture musulmane qui sont en faveur de la Loi sur la laïcité de l’État. Ils ont tous affirmé que le port du voile islamique par les enseignantes porte atteinte à la liberté de conscience de leurs enfants et ils demandent donc que la Loi 21 soit appliquée et que les enseignantes voilées respectent la loi et leur devoir de neutralité pour que l’école publique demeure un service laïque.
De son côté, le juge Marc-André Blanchard, a insisté auprès de chacun, leur demandant d’expliquer en quoi le voile porte-t-il atteinte à la liberté de conscience de leurs enfants?
L’école publique, une institution pas comme les autres
Parce que c’est l’école avec ses enseignants qui prend le relai des parents et de la famille et qu’elle assume donc un rôle capital dans le processus de socialisation de l’enfant. Il faut comprendre que l’école ne fait pas que transmettre des connaissances mais qu’elle joue aussi un rôle idéologique de premier plan dans la transmission des valeurs, contribuant à former l’esprit critique des enfants à un âge où ils sont naïfs et perméables à toutes les influences.
Elle est aussi la seule institution dont la fréquentation est obligatoire et s’échelonne sur plusieurs années et pour laquelle les enfants sont une clientèle captive. On peut, sa vie durant, éviter l’hôpital, les tribunaux, la prison mais tout le monde passe par l’école. D’où l’importance d’accorder à la liberté de conscience des élèves une protection toute particulière en interdisant toute forme de prosélytisme religieux comme, par exemple, celui du voile islamique par les enseignantes. Préserver la liberté de conscience, telle est la mission fondamentale d’une école laïque que l’État a la responsabilité d’assumer.
La liberté de conscience, un droit fondamental
Il existe une liberté encore plus fondamentale que la liberté religieuse et c’est la liberté de conscience. Elle se définit comme le droit de croire ou de ne pas croire, de changer de religion ou de l’abandonner. Cette liberté est antérieure à la liberté religieuse. Elle en est même sa condition radicale. Il a fallu attendre Vatican II pour que l’Église catholique reconnaisse la liberté de conscience alors que ce droit n’existe toujours pas dans l’islam et qu’un verset du Coran appelle même au meurtre des apostats.
Le parcours historique du Québec témoigne justement de ses efforts pour faire respecter la liberté de conscience des élèves. C’est la raison pour laquelle le gouvernement a mis fin en 2005 à l’enseignement confessionnel catholique et protestant dans ses écoles publiques puisque celui-ci se trouvait en contravention de l’article 2 de la charte canadienne des droits et libertés protégeant la liberté de conscience.
Dorénavant cette neutralité confessionnelle garantissait donc à chaque élève, qu’il ait ou non une religion, la liberté de conscience pour lui-même comme pour ses parents et permettait à l’école publique de s’ouvrir à la diversité religieuse en provenance de l’immigration.
Le voile islamique est une atteinte à la liberté de conscience des élèves
L’un des parents a affirmé devant le juge que le voile est un gyrophare. Cette image saisissante résume fort bien le caractère prosélyte du voile qui clignote sur la tête des enseignantes, ISLAM-ISLAM-ISLAM, LAISSEZ PASSER l’ISLAM ! dans les corridors et dans les salles de classe et qui permet d’inscrire le fait religieux islamique dans l’espace scolaire. Ce qui est contraire à la laïcité de l’État.
Alors que les enseignantes sont des modèles pour les enfants, ce marquage vestimentaire contribue à imposer une identité islamique aux jeunes musulmans et musulmanes, une identité religieuse en rupture d’avec celle de la citoyenneté québécoise et pour laquelle la loi islamique prime sur les règles civiles. Manger religieux, boire religieux, s’habiller religieux, jeûner religieux, etc … font partie d’une dynamique en spirale dont le voile est le prélude.
Et c’est ainsi que les jeunes filles musulmanes sont prises en otage par ce symbole sexiste qui s’affiche sur la tête de leur enseignante et donne un argument de plus aux parents musulmans qui souhaitent que leur fille porte le voile. Tout ceci ayant pour conséquence de mettre de la pression sur les jeunes filles, ne leur laissant guère le choix de désobéir à Dieu et à leurs parents.
Ajouter à cela, l’effet boule de neige et vous comprendrez que plus il y aura d’enseignantes qui porteront le voile à l’école, plus il y aura de jeunes filles qui le porteront et plus grande sera la pression sur celles qui refusent de le porter. C’est de cette façon qu’en permettant le voile des enseignantes, on fait progressivement le lit du communautarisme, à l’école comme à l’extérieur de celle-ci, tout en privant les jeunes filles musulmanes d’arguments et de moyens pour s’opposer à ces pressions communautaristes. Voilà comment on enferme petit à petit ces jeunes filles dans une identité religieuse et que l’on porte ainsi atteinte à leur liberté de conscience.
C’est d’ailleurs ce qu’expliquait cette mère algérienne témoignant pour le groupe féministe Pour les droits des femmes et qui disait : « que le voile n’est pas un choix, qu’il n’est jamais un choix et que les choses se font progressivement. Je sais comment se font les pressions, dit-elle. La femme doit obéir. Je le sais parce que j’ai beaucoup de vécu ».
D’interpréter le voile comme n’étant qu’un simple choix individuel nous empêche de comprendre la dynamique d’ensemble à laquelle il participe et dont il est le présage. C’est une grave méprise dont les enfants et les parents musulmans laïques seront les premières victimes et c’est surtout mal comprendre les enjeux politiques de cet entrisme qui sème la graine du communautarisme et constitue une redoutable offensive anti-laïque qui ruine les acquis du Québec en matière de laïcité scolaire.
L’école républicaine doit demeurer un rempart contre les particularismes religieux et bannir tous les signes d’appartenance religieuse afin de protéger la liberté de conscience des élèves. Il en va de l’avenir de la laïcité au Québec.
Et comme plusieurs parents l’ont souligné lors de leur témoignage, l’école n’est pas faite pour les enseignants mais bien pour les élèves et leurs parents. Dans la Convention relative aux droits de l’enfant adopté par l’ONU et ratifié par le Canada, on y énonce l’intérêt supérieur de l’enfant, disant qu’il a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion et que les parents ont le droit et le devoir de guider celui-ci. En espérant que les tribunaux en prennent bonne note.