25 novembre 2020
La fin de la preuve dans la cause concernant la Loi sur la laïcité de l’État (Loi 21) se termine par un « combat » d’experts de droit qui ont fait valoir l’étendue des approches concernant les rapports entre l’État et les religions dans la communauté européenne. Selon les experts Taillon et Stefanini, des modèles de laïcité très variés coexistent ; de la religion d’État officielle au Royaume-Uni à la laïcité à la française. Cette variété démontre que plusieurs équilibres, entre les différents droits impliqués, sont possibles et peuvent être respectueux des droits de la personne. Les experts Koussens et Bosset rappellent, pour leur part, les critiques du Comité des droits de l’homme des Nations Unies à l’égard des différents modèles de laïcité européens.
Ce qui m’apparait important de retenir, c’est que tous les modèles sont possibles et que dans tous les cas répertoriés, l’école ressort comme le milieu le plus important pour que s’exprime la laïcité de l’État, compte tenu de son caractère obligatoire et du contact prolongé dans le temps entre les élèves et les enseignantes et enseignants.
Bilan des arguments des opposants à la Loi 21
Les différents contre-interrogatoires menés par les opposants à la Loi 21 laissent supposer qu’ils tenteront de faire valoir, lors de leurs plaidoiries, que cette loi incarnerait le « racisme » des Québécois. Pour eux, la tuerie de la Mosquée du Québec démontre, par exemple, ce racisme. Quel raccourci inacceptable! Ont-ils déjà oublié l’élan de sympathie et de solidarité rapidement manifesté par l’ensemble de la population et des autorités ! Qui plus est, comment peuvent-ils faire un lien avec cet événement tragique et la laïcité ?
Les opposants à la loi évoquent également l’article 17 de la Loi 21, qui protège la toponymie des institutions d’enseignement ou les symboles religieux ornant leurs édifices, pour faire valoir qu’il s’agit d’une catho-laïcité, c’est-à-dire d’un cadre politique servant à protéger la culture catholique du Québec. Pourquoi de telles œillères ? Peut-on reprocher au Québec de protéger son patrimoine ? On n’efface pas l’histoire, mais on la met au présent, pour un meilleur vivre ensemble avec tous ses nouveaux arrivants. De plus, par une telle désignation, les opposants à la loi semblent avoir délibérément choisi d’ignorer nombre de citoyens, de parents et d’associations de culture musulmane qui ont appuyé le projet de loi 21 en commission parlementaire [i] ou qui ont témoigné lors du procès en appui à cette loi. Ils font aussi fi des associations de Québécois athées, agnostiques, humanistes ou croyants voulant se dissocier de visions fondamentalistes de leur religion et demandant une législation, depuis des années, au nom du respect de leur liberté de conscience. Enfin, ils ferment les yeux sur la protection de la liberté de conscience des enfants, particulièrement vulnérables à cet âge. Il ne s’agit pas d’une catho-laïcité, mais bel et bien d’une laïcité d’État, en bonne et due forme.
Autre omission volontaire: la revendication des féministes qui demandent la laïcité de l’État comme rempart face aux pratiques religieuses sexistes. D’ailleurs, toutes les activistes des droits des femmes de l’Amérique latine, sans aucune exception, et la très grande majorité des activistes d’Europe occidentale ont nommé la protection ou la promotion de la laïcité dans les politiques publiques et les institutions de l’État comme la mesure la plus urgente à prendre pour prévenir le renforcement des fondamentalismes religieux. [ii] Au Québec, c’est Pour les droits des femmes du Québec (PDF Québec), représenté par Me Christiane Pelchat, ancienne présidente du Conseil du statut de la femme, qui porte la voix des femmes pour défendre la Loi 21 en Cour supérieure.
Enfin, pourquoi ces opposants à la Loi 21 ferment-ils les yeux sur l’évolution historique de la société québécoise vers une plus grande sécularisation, ayant choisi de privilégier les valeurs citoyennes communes (soit la langue française, l’égalité entre les femmes et les hommes ainsi que la laïcité de l’État) plutôt que les droits individuels ?
Le Québec est loin d’être parfait, mais il est accueillant et respectueux de sa diversité. Le Québec est d’ailleurs la seule province du Canada à s’être dotée, en 2001, d’une Loi sur l’accès à l’égalité en emploi dans des organismes publics (incluant les écoles), afin de s’assurer que leur main-d’œuvre soit représentative de la population. Selon la Commission des Droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ), responsable de l’application de la loi, il s’agit d’un outil privilégié de lutte contre la discrimination qui a déjà permis d’améliorer, entre autres, la représentation des minorités visibles ou ethniques dans les commissions scolaires du Québec. [iii]
À la lumière de ce qui se passe à la Cour supérieure depuis le début de novembre, l’opposition à la Loi 21 ressemble à un dénigrement injuste et systématique d’une société fière de ses valeurs citoyennes.
Sources :
[i] Tels l’Association québécoise des Nord-Africains pour la laïcité (PDF, 1 017 ko), Amitié Québec-Kabylie (PDF, 1 Mo), Djemila Benhabib et Louise Mailloux (PDF, 832 ko), Nadia El-Mabrouk (PDF, 1 Mo) et Leila Bensalem, Hassan Jamali (PDF, 473 ko), Samuel Chérubini (PDF, 757 ko)
[ii] Selon l’Association pour les droits des femmes et de développement : https://www.awid.org/sites/default/files/atoms/files/vers_un_avenir_sans_fondamentalismes.pdf
[iii] Commission des droits de la personnes et des droits de la jeunesse; L’Accès à l’égalité en emploi; Rapport sectoriel sur les commissions scolaires; 2015; p.7; https://www.cdpdj.qc.ca/storage/app/media/publications/Rapport_sectoriel_PAE_commissions_scolaires.pdf